Le « parler bilingue »

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La personne bilingue a deux langues à sa disposition pour communiquer. Lors d’une conversation, une de ces langues est choisie inconsciemment. C’est la langue de base. L’autre langue reste cependant plus ou moins active. Elle peut, ou non, intervenir dans l’échange. C’est de nouveau un choix inconscient qui est fait par la personne bilingue. Cette intervention peut se faire sous forme  d’alternances de codes, ou d’emprunts. On parle alors de “parler bilingue ». Mais avec qui se permet-on le parler bilingue? Et pour quelles raisons?

Les alternance de codes

Si vous êtes bilingue, il vous arrive sûrement souvent d’incorporer un mot d’une langue, alors que la conversation se déroule dans une autre langue. Parfois, ce sont même des bouts de phrases, voire des phrases entières qui sont intégrées dans le discours. L’autre langue peut même intervenir plusieurs fois dans le même énoncé. C’est ce qu’on appelle l’alternance de codes, ou le code-switching.

Il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin un exemple. Le terme “code-switching” est souvent utilisé, même dans les écrits en français.

“Peux-tu pickup la commande au shop?”

Les alternances de codes ont les caractéristiques suivantes :

  • Elles arrivent dans le discours sans hésitation, sans pause, ou correction.
  • Elles respectent à la fois la grammaire de la langue de base, et celle de l’autre langue.

Ces alternances n’interviennent donc pas par hasard dans le discours. C’est un phénomène normal pour les personnes bilingues, qui ne dénote pas d’un manque de connaissances, bien au contraire.

Les emprunts

Il vous arrive aussi très certainement d’utiliser des mots de l’autre langue, que vous modifiez pour les intégrer dans la langue de base. Aïda dit par exemple qu’elle transforme régulièrement des verbes anglais, pour en faire des verbes français.

« Je vais te forwarder l’email de Pierre. »

Parfois, on utilise un mot qui existe dans la première langue, mais avec le sens de l’autre langue. Par exemple, le verbe “to support” en anglais, est utilisé avec le sens de “soutenir” comme en anglais. Il arrive aussi qu’on emprunte à l’autre langue, en traduisant littéralement dans la langue de base.

Il y a les emprunts spontanés, et les emprunts établis. Ces derniers font partie intégrante d’une langue. Dans l’exemple précédent, “forwarder” est un emprunt spontané, alors que “email” est un emprunt établi. Les emprunts spontanés sont plus fréquents, seulement certains d’entre eux deviennent des emprunts établis.

Le continuum des bilingues

Quand vous parlez à une personne qui partage vos deux langues, il y a de fortes chances que vous utilisiez le “parler bilingue”. Mais, quand vous vous adressez à votre grand-mère qui ne connaît pas du tout votre seconde langue, vous restez sur un mode monolingue. Vous évitez alors les alternances de codes, et les emprunts, mais vous hésitez parfois, vous cherchez vos mots occasionnellement.

Ces deux modes langagiers ne sont pas les seuls que vous utilisez. Ce sont deux extrêmes sur un continuum. Il y a des modes langagiers intermédiaires. Par exemple, avec un bilingue que vous ne connaissez pas bien, vous vous permettrez moins de mélanges. Avec votre mère, qui a quelques connaissances dans votre seconde langue, vous vous permettrez quelques emprunts, mais pas trop.

Le bilingue se promène donc sur ce continuum en fonction de son interlocuteur. Mais, tous les bilingues ne s’y promènent pas de la même manière. Certains acceptent moins le “parler bilingue”, et l’utilisent peu. D’autres l’utilisent constamment. On peut aussi se balader sur ce continuum pendant une conversation. Vous vous apercevez pendant l’échange que votre interlocuteur parle aussi votre seconde langue. Vous pourrez alors passer du mode monolingue, a un mode bilingue.

Pourquoi les bilingues "code-switchent"?

Il ne s’agit bien entendu pas de paresse, ou de manque de maîtrise, comme on l’entend parfois. Ces alternances n’arrivent pas par hasard dans le discours, elles demandent un certain niveau de connaissance des deux langues.

La plupart du temps, c’est parce que le mot semble plus juste dans la seconde langue. Traduire ne paraît pas aussi exact. Vous avez sûrement des exemples qui vous viennent en tête!

La langue de base n’est pas forcément celle que l’on utilise dans tous les domaines. Imaginons que j’utilise l’anglais au travail. Si je parle de mon métier en français, je serais plus tentée d’insérer des mots anglais, que si je parle d’un autre sujet.

Cela peut aussi servir à citer une personne. Pourquoi traduire si notre interlocuteur comprend?

On pourrait aussi utiliser l’autre langue pour mettre un mot, ou une idée en relief.

Les raisons sont linguistiques, communicatives, mais peuvent aussi être sociales. On peut faire intervenir l’autre langue pour signaler à notre interlocuteur que nous faisons partie du même groupe. Au contraire, on peut l’utiliser pour exclure une personne de la conversation. Cette langue peut aussi servir à se donner plus d’autorité dans certaines situations, etc.

Les bilingues oscillent donc sur un continuum entre le “parler bilingue” et un mode monolingue. Ils font des mélanges, qui ne sont pas liés à la paresse. Ce sont des mélanges qui ne sont pas faits au hasard, c’est un phénomène normal du bilinguisme.

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Aodrenn

Aodrenn

Orthophoniste de formation, j’ai travaillé avec une patientèle francophone sur New York pendant plusieurs années. Cette expérience m’a inspiré ce blog, notamment les articles spécifiques au bilinguisme. Actuellement maman à temps plein d’une petite fille d’un an, je suis temporairement sur Montréal, où je peux passer du temps à la bibliothèque pour dénicher de nombreux livres à vous suggérer dans mes chroniques.

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