Les premiers mots de l’enfant bilingue : témoignages

Untitled design

Afin d’illustrer mon dernier billet de blog sur les premiers mots de l’enfant bilingue, j’ai envoyé un questionnaire à quelques mamans ayant un enfant de moins de 3 ans. Parmi les témoignages, on retrouve de nombreuses langues parlées, dans les 4 coins du monde : France, Etats-Unis, Allemagne, Suisse, Thaïlande, Espagne, ou encore Italie.

Interroger quelques parents ne peut évidemment pas faire office d’étude. Mon objectif était plutôt d’illustrer mes propos, qui se basaient sur des études scientifiques, par les témoignages de parents qui me lisent.

Les premiers mots, plus tardifs?

Je leur ai notamment demandé si elles avaient eu le sentiment que leur enfant avait dit ses premiers mots un peu plus tard que les enfants de leur entourage monolingue.

Si on se fie à la croyance populaire, les témoignages devraient tendre vers une majorité d’enfants qui développent leur langage avec un décalage par rapport aux monolingues.

Et, au contraire, si on se fie aux études, on devrait tendre majoritairement vers des témoignages d’enfants qui ont développé leur langage en même temps que les autres.

[Roulement de tambours…]

Les réponses de ces mamans convergent effectivement vers ce que disent les études qui ont été faites. “Les premiers mots de Margot ne se sont pas faits attendre” dit même Cyriel, ou encore “tout au contraire”, selon la maman de Joséphine. Seulement 4 mamans sur 15 disent ressentir un petit décalage avec leurs pairs.

Il est vrai que ces réponses sont totalement subjectives. Aida dit d’ailleurs “ne pas être trop renseignée sur le développement du langage”. J’ai donc donné quelques repères objectifs à ces mamans pour voir si les enfants se situaient effectivement dans la norme. Leurs réponses ont confirmé leur première réponse.

Des facteurs contribuent cependant à donner aux parents et à leur entourage, un sentiment de retard.

La méconnaissance du développement du langage

Quand on ne sait pas bien à quoi s’attendre au niveau du langage, il est facile de mettre ce que l’on observe sur le compte du bilinguisme.

Il existe de grandes différences entre les enfants. A 18 mois, certains enfants commencent à former des phrases, quand d’autres en sont encore à dire quelques mots. Et pourtant, tous sont dans la norme.

Adeline dit par exemple : “A 18 mois, elle ne disait encore que très peu de mots en comparaison avec les enfants de mes connaissances non bilingues. Ceux-ci disposaient pour la plupart d’un vocabulaire de plus de 50 mots, et commençaient a former des phrases.”

Il est vrai qu’à 18 mois, les enfants ont en moyenne 50 mots, mais une moyenne veut aussi dire qu’il y a beaucoup d’enfants qui en ont moins, sans que cela constitue un retard. D’ailleurs, lorsque j’ai posé un peu plus de questions aux mamans qui avaient observé un décalage, je me suis rendue compte qu’il s’agissait d’enfants qui se situent plus dans la moyenne basse, mais qui ne présentent a priori pas de retard.

Le développement du langage est assez lent avant l’explosion lexicale qui se produit entre 16 et 20 mois. La maman de Lily dit avoir l’impression “qu’elle aurait parlé plus tôt avec une seule langue, car il s’est écoulé longtemps entre ses premiers mots, et un vrai développement du vocabulaire.” En réalité, ces moments de stagnation, décrits également par les mamans de Romy et Joséphine, sont des phases normales du développement, et ne sont pas propres à l’enfant bilingue.

Une langue plus tardive que l’autre

Voilà un autre facteur qui peut donner un sentiment de retard, surtout aux yeux d’une personne qui ne parle pas les deux langues de l’enfant.

Margot est une petite Franco-américaine de 3 ans, qui vit en France. Bien qu’elle ait dit ses premiers mots en même temps que les autres enfants, son premier mot anglais est arrivé à l’âge de 20 mois. Cela ne l’empêche pas de développer son anglais, mais plus lentement que le français, qui est la langue majoritaire. On ne peut pas parler de retard puisque une des langues se développe à un rythme normal. Si Margot devait être scolarisée en anglais, il ne faudrait pas s’inquiéter de ce développement plus lent, puisque l’exposition à l’anglais à l’école lui permettrait de rattraper ses pairs.

La langue de la communauté devient d’ailleurs bien souvent la langue dominante par la suite.

Kelly est francophone, son mari est anglophone, leur fils grandit en France. Malgré la dominance du français dans la communauté, c’est en anglais qu’il a dit ses premiers mots, mais, à 2 ans, c’est actuellement le français qui domine.

Le développement des langues amène parfois des surprises. Lily, 2 ans, grandit en Thaïlande dans une famille francophone, au sein d’une communauté anglophone. Selon sa maman, c’est le français qui est sa langue dominante. Pourtant, les premières phrases complètes sont arrivées en anglais!

Quelques repères

Je me suis dit qu’il serait bon d’ajouter quelques repères pour voir ce à quoi on doit s’attendre en moyenne au niveau de ces premiers mots. Je le rappelle encore, “en moyenne” veut dire qu’il y a des enfants qui n’y sont pas encore, et d’autres qui sont au-dessus Je précise les motifs de consultation pour chaque âge : on ne s’inquiète pas nécessairement si l’enfant n’est pas “dans la moyenne”.

  • 12 mois : C’est l’âge des premiers mots. En moyenne, les enfants ont 1-3 mots.

On peut consulter si : l’enfant ne babille pas, ne réagit pas à son prénom, ne semble pas interagir.

  • 18 mois : Les enfants disent entre 20 et 50 mots en moyenne, certains commencent à former des phrases de 2 mots.

On peut consulter si : l’enfant ne semble pas comprendre, produit moins de 10 mots.

  • 24 mois : Les enfants font des phrases de 2-3 mots, avec un vocabulaire moyen de 200 mots, le discours est intelligible 50% du temps.

On peut consulter si : l’enfant n’imite pas (gestes, sons), produit moins de 50 mots, ne fait pas de phrases de 2 mots, ne comprend pas les consignes simples.

L’utilisation des signes pour accompagner les premiers mots des enfants a été évoquée dans plusieurs témoignages. J’y consacrerai prochainement un billet de blog complet.

Finalement, ce petit questionnaire qui ne peut pas faire office d’étude confirme cependant ce que les études nous montrent. Plusieurs mamans ont terminé le questionnaire sur une note très positive. En ce sens, je vais clôturer ce billet avec les mots de Zoé : Le bilinguisme, “c’est une chance extraordinaire, et je suis fière que nous puissions lui offrir”.

Share on facebook
Facebook
Share on linkedin
LinkedIn
Share on pinterest
Pinterest
Share on email
Email
Aodrenn

Aodrenn

Orthophoniste de formation, j’ai travaillé avec une patientèle francophone sur New York pendant plusieurs années. Cette expérience m’a inspiré ce blog, notamment les articles spécifiques au bilinguisme. Actuellement maman à temps plein d’une petite fille d’un an, je suis temporairement sur Montréal, où je peux passer du temps à la bibliothèque pour dénicher de nombreux livres à vous suggérer dans mes chroniques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *