Qu’est-ce que le bilinguisme?

sur le cote

A cette question, nous répondons tous instinctivement que le bilinguisme c’est être capable de parler deux langues. La réponse est-elle si simple? Faut-il connaître ses deux langues avec perfection pour être considéré bilingue? Devons-nous savoir lire et écrire dans les deux langues?

Dans cet article, je vous propose de revenir sur ces critères qui permettent de définir une personne bilingue, mais aussi de comprendre en quoi cette définition peut avoir une importance quand un petit être bilingue grandit à nos côtés.

Le mythe du bilingue parfait

Avant de rédiger cet article, j’ai souhaité sonder mon entourage (bilingue ou non) sur la définition du bilinguisme. Une réponse a retenu mon attention : une amie disait ne pas se sentir bilingue alors qu’elle vit aux Etats-Unis depuis des années, et utilise sans difficulté l’anglais au quotidien. Selon elle, un bilingue, c’est une personne qui « maîtrise à 100% deux langues, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, qui est capable de parler les deux langues sans difficulté de façon équivalente et sans accent”.

L’image du bilingue “parfait” est encore très répandue, mais correspond-t-elle a la réalité? C’est la description que pouvait en faire le linguiste Bloomfield en 1935. Il définissait alors le bilinguisme ainsi : « la connaissance de deux langues comme si elles étaient toutes les deux maternelles”.

L’accent est mis sur les compétences linguistiques dans les deux langues : un bilingue se doit d’avoir une maîtrise parfaite des langues qu’il parle. Avec une telle définition, peu de personnes peuvent alors être considérées bilingues. En effet, il suffit de poser la question à l’envers : votre collègue allemand est-il monolingue, car il a un accent étranger quand il s’adresse à vous en français? Votre enfant qui a grandi aux USA est-il monolingue, car il ne connaît pas tout de la culture française? Suis-je moi-même monolingue, car j’ai appris l’anglais sur le tard?

A priori, cela semblerait tout aussi surprenant d’utiliser le terme de monolingue pour toutes ces personnes. Y’aurait-il alors de meilleurs bilingues que d’autres? Des bilingues parfaits et des moins parfaits.

L'importance de l'utilisation des langues

Selon François Grosjean, linguiste français, ce sont ces critères de perfection qui conduisent souvent les bilingues à critiquer leur propre bilinguisme. Il n’y aurait donc pas de bilingues plus parfaits que d’autres, mais des bilingues qui ne se considèrent pas comme tel à cause d’une définition trop stricte.

Un élément important entre alors dans la définition du bilinguisme : l’utilisation régulière des langues. Avec l’accentuation sur ce nouveau critère, toutes les personnes citées plus haut peuvent être considérées bilingues.

La connaissance des langues n’est cependant pas effacée de la définition, car il faut nécessairement un certain niveau de compétence pour les utiliser au quotidien, mais on ne parle plus de maîtrise parfaite ou équivalente de ces langues.

"Le bilinguisme est l'utilisation régulière de deux ou plusieurs langues ou dialectes dans la vie de tous les jours."

François Grosjean

Avec cette définition, les linguistes ne se focalisent plus sur les critères objectifs et mesurables, comme le nombre de mots connus ou les connaissances grammaticales dans chaque langue, mais sur la compétence communicative : ils préfèrent regarder les situations dans lesquelles les langues sont utilisées et dans quel but. Les langues sont utilisées dans diverses situations et avec différents objectifs : à  l’école, avec la fratrie, avec les grands-parents, au cours de natation, etc. Il est possible que votre enfant soit scolarisé en anglais, mais parle avec ses grands-parents en français. Le vocabulaire de l’école sera alors mieux connu en anglais, mais peut-être que les noms d’oiseaux, dont papi aime tant parler avec son petit-fils, seront mieux connus en français. Il n’y a donc pas de bilinguisme équilibré, ni de bilingues parfaits et imparfaits, il y a tout simplement autant de bilinguismes que de bilingues selon leurs expériences et leurs besoins.

François Grosjean retient donc deux critères principaux : la compétence linguistique et l’utilisation des langues. Le bilinguisme se définit selon lui par rapport à un continuum où l’on prend en compte la connaissance (minimale à maximale) et l’utilisation (rare à quotidienne). Chaque personne bilingue a un parcours et des besoins différents et se trouve donc à un endroit différent d’une autre personne bilingue sur ce continuum. Peu importe où vous vous trouvez sur ce continuum, si vous avez une connaissance suffisante pour utiliser deux langues sur une base régulière, vous êtes alors considéré bilingue.

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Le saviez-vous? Il a été estimé que la moitié, voire plus, de la population du monde est bilingue ou plurilingue. Obtenir des données plus précises est cependant complexe, car cela dépend notamment des critères pris en compte dans les recensements. 

La définition pour le bilingue en devenir

En tant que parent d’enfant bilingue, quelle est l’utilité de bien connaître ces nuances dans la définition du bilinguisme?

En ayant en tête l’importance de l’utilisation régulière des langues, il vous est plus facile de comprendre comment offrir les meilleures chances à votre enfant de devenir bilingue. Il est en effet tout à fait possible d’offrir toutes les opportunités à votre enfant pour acquérir des connaissances dans une seconde langue, mais il est primordial de lui donner également les opportunités de l’utiliser sur une base régulière, sans quoi il lui sera difficile de devenir bilingue.

Par exemple, un enfant anglophone qui est uniquement exposé à des dessins animés français ne peut pas devenir un enfant bilingue, car il n’a pas l’opportunité d’utiliser le français. De même, un enfant dont les parents parlent français, mais à qui on parle la majorité du temps en anglais, et qui n’utilise que quelques mots de français ne peut pas être considéré bilingue. Il ne suffit pas de l’exposer à la langue, de lui donner les connaissances, il est indispensable de lui offrir les occasions d’utiliser cette langue.

Cette définition aura également toute son importance dans l’écriture de ce blog. Pour l’orthophoniste que je suis, il est tout aussi important de bien comprendre ce qu’est le bilinguisme et surtout ce qu’il n’est pas, afin d’évaluer de la façon la plus juste qui soit un enfant bilingue. Quand un enfant bilingue est évalué, il est primordial de ne pas attendre que ce dernier ait une maîtrise équivalente de la langue testée à celle de ses pairs monolingues. On doit tenir compte de l’utilisation qui est faite des langues parlées.

Pour les parents

  • Vous pouvez élever un enfant bilingue sans que la situation soit « parfaite ».
  • Donnez les opportunités à votre enfant d’utiliser ses langues.

A retenir

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Pour l'orthophoniste

  • Lors d’un bilan, le contexte dans lequel les langues sont utilisées sont à prendre en compte : on doit adapter nos attentes par rapport aux besoins communicatifs de l’enfant.

Pour en savoir plus

  • Bilingual, Life and Reality – François Grosjean (chapitre 2) 
  • Parler plusieurs langues, Le monde des bilingues – François Grosjean (chapitres 1 et 2)
  •  Le bilinguisme, un atout dans son jeu– Agathe Tupula Kobola (chapitre 1) 
  • Guide à l’usage des parents d’enfants bilingues – Barbara Abdelilah-Bauer (introduction) 
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Aodrenn

Aodrenn

Orthophoniste de formation, j’ai travaillé avec une patientèle francophone sur New York pendant plusieurs années. Cette expérience m’a inspiré ce blog, notamment les articles spécifiques au bilinguisme. Actuellement maman à temps plein d’une petite fille d’un an, je suis temporairement sur Montréal, où je peux passer du temps à la bibliothèque pour dénicher de nombreux livres à vous suggérer dans mes chroniques.

4 réponses sur “Qu’est-ce que le bilinguisme?”

  1. Un très bon article sur un terme qui ne manquera pas de faire toujours débat ! Merci pour le partage de ces informations ainsi que pour l’insistance vis-à-vis des notions de pratique et de régularité !

  2. J’ai trouvé ton article absolument épatant, et j’aurais adoré l’avoir lu il y a 12 ans quand j’ai eu mon petit garçon.
    Je vais le garder précieusement, et le faire lire aussi, parce que tu clarifies beaucoup de problèmes importants, merci.
    Je crois meme qu’une traduction en Anglais serait super bénéfique!

    1. Désolée, je ne lis que maintenant ton commentaire. Merci beaucoup! Ravie de pouvoir aider à clarifier des choses. Je manque de temps pour traduire mes articles, mais je pourrais faire un article afin de donner des ressources sur le sujet dans d’autres langues! 🙂

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